NewStory #8 : Le nouveau nid aux papillons
Du Guardian à Ouest-France, en passant par NPR et La Vanguardia : la nomination d'Elon Musk au gouvernement Trump provoque un exode massif des médias sur X vers Bluesky.
PARTIE 1 : LA GRANDE FUITE DE X
Qui l'aurait cru ? En nommant Elon Musk ministre de "l'efficacité gouvernementale", Donald Trump a déclenché un véritable raz-de-marée dans le monde des médias. En quelques jours seulement, les plus grandes rédactions du monde ont fait leurs valises, quittant X (l'ancien Twitter) comme on quitte un navire qui prend l'eau.
Et quand on parle d'exode, on ne plaisante pas. Imaginez un peu : The Guardian et ses 13,7 millions d'abonnés a été le premier à sauter le pas. NPR a suivi avec ses presque 9 millions de followers. En Europe, c'est La Vanguardia qui a emboîté le pas avec ses 3,8 millions d'abonnés, suivie par notre Ouest-France national et son million de lecteurs fidèles.
Mais ce n'est pas tout. Des pointures comme Stephen King (oui, LE Stephen King et ses 7 millions de fans) ont aussi mis les voiles. La journaliste Salomé Saqué, suivie par plus de 210 000 personnes, a elle aussi fait ses adieux à la plateforme. On assiste là à un mouvement sans précédent dans l'histoire des réseaux sociaux.
PARTIE 2 : POURQUOI UN TEL DIVORCE ?
Alors, pourquoi ce désamour soudain ? C'est simple : pour la première fois, les médias ne quittent pas une plateforme parce qu'elle ne marche pas, mais parce qu'ils ne peuvent plus cautionner ce qu'elle est devenue.
Parlons franchement : quand Musk a viré 80% des modérateurs, ça a mis la puce à l'oreille de pas mal de monde. Quand il a sorti X du programme européen contre la désinformation, les sourcils se sont froncés. Et quand il a commencé à faire revenir les utilisateurs bannis pour extrémisme ? Là, beaucoup ont commencé à faire leurs cartons.
Mais le vrai tournant, c'est quand X est devenu une sorte de mégaphone pro-Trump. Les théories du complot ont commencé à pulluler, l'extrême-droite s'est fait une place de choix... Et pour couronner le tout, la plateforme s'est mise à coller des étiquettes douteuses sur les médias publics. NPR étiquetée comme "média d'État" ? Autant dire que ça n'est pas très bien passé.
PARTIE 3 : LA VIE APRÈS X
Mais ne vous inquiétez pas, la nature a horreur du vide. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Bluesky a su saisir sa chance. La plateforme, qui a démarré timidement en février 2023, vient de franchir la barre des 20 millions d'utilisateurs, avec un million de nouvelles inscriptions par jour depuis deux semaines. Une croissance fulgurante qui fait parler dans le petit monde de la tech.
Derrière ce succès, une femme : Jay Graber. Cette Sino-Américaine de 33 ans, rare dirigeante dans l'univers très masculin de la Silicon Valley (où 89% des postes de pouvoir sont occupés par des hommes), incarne une vision radicalement différente des réseaux sociaux. Son histoire personnelle - sa mère a fui la Chine pendant la Révolution culturelle - n'est sans doute pas étrangère à sa vision de la liberté d'expression.
Quand on sait que son prénom officiel, Lantian, signifie "ciel bleu" en mandarin, on ne peut s'empêcher d'y voir un clin d'œil du destin. Mais ce qui fait la différence, c'est surtout son approche : Bluesky est une "public benefit corporation", une entreprise qui vise le profit tout en se préoccupant de son impact sociétal. Son fonctionnement en open source permet à la technologie d'être accessible à tous et de s'améliorer grâce aux contributions des utilisateurs.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Jay Graber cite Robin des Bois comme son livre préféré d'enfance. Son parcours, depuis la création d'une banque alternative pendant ses études jusqu'à la direction de Bluesky, témoigne d'une volonté constante de démocratiser les outils numériques. Une philosophie aux antipodes de celle d'Elon Musk, et qui semble séduire aussi bien les médias que le grand public.
Conclusion
Ce qui est fascinant, c'est que nous sommes en train d'assister à un véritable changement d'époque. L'ère des plateformes centralisées, contrôlées par des milliardaires aux agendas politiques affichés, touche peut-être à sa fin. Certes, avec ses 20 millions d'utilisateurs, Bluesky est encore loin des 400 millions d'utilisateurs quotidiens revendiqués par X. Mais la tendance est claire : les utilisateurs sont prêts à privilégier des espaces plus démocratiques, plus transparents, où l'information prime sur la polémique. Et c'est peut-être là que réside la véritable révolution.